
Le proverbe mauritanien « Si tu t’interposes entre les frères, tu t’exposes à un danger » met en lumière la complexité des conflits intra-communautaires dans les sociétés à forte cohésion sociale. Il met en garde contre toute intervention dans les querelles internes — notamment entre membres d’une même famille, tribu ou groupe d’affiliation — où l’intrus, même animé des meilleures intentions, risque d’être perçu comme un élément perturbateur, voire un coupable idéal une fois la réconciliation survenue.
Cette maxime rejoint d’autres expressions universelles de la même prudence. En arabe, on dit :« Entre deux molaires, c’est la langue qui est broyée. »
En Afrique subsaharienne, un proverbe bien connu enseigne que :
« Quand deux éléphants se battent, c’est l’herbe qui souffre. »
Et dans la sagesse chinoise, on retrouve une formulation analogue :
« Quand les arbres se battent, ce sont les brindilles qui cassent. »
Ces dictons, issus de contextes culturels variés, expriment une vérité anthropologique partagée : les conflits internes sont souvent traversés d’enjeux affectifs, symboliques et historiques, rendant toute prise de position extérieure particulièrement risquée. Ce n’est pas faiblesse que de s’abstenir, mais clairvoyance : la neutralité, dans ce cas, devient une forme de sagesse protectrice.
Dans une société maure structurée par des appartenances familiales et tribales étroites, le proverbe prend toute sa portée. Il rappelle que la proximité n’abolit pas le conflit ; elle le rend souvent plus chargé, plus complexe, et donc plus périlleux pour celui qui s’y aventure sans y être convié.
Ainsi, cette sagesse mauritanienne ne prône pas le désengagement, mais invite à une lucidité sociale : savoir discerner le moment où la parole ou l’action devient intrusion, et où la retenue se fait gage de respect et de protection.
Ahmed Mahmoud Ahmedou Jemal