Chronique: Entre Nous

13 August, 2025 - 18:14

Il y a vers plus de cinquante ans,  je devais avoir juste à peine quelques années. C'était chez moi quelque part à l'intérieur du pays. À Aleg. C'était le temps des grandes pénuries d'eau dans la ville. Dans tous les quartiers de la ville et ses environs. Généralement,  c’était entre le mois de juin et le mois d'août. Les rares robinets de la ville et ses deux principaux puits s'asséchaient. Les populations sortaient partout pour chercher l'eau. Feu Mor Ciss,  un notable de la ville sortait son vieux camion pour faire boire tout le monde à coup de rotation dans les quartiers. Les hommes,  les femmes et les enfants, ustensiles en main ou sur la tête, accouraient. Exactement comme ils le font en ce mois d'août 2025 lorsque ces hommes,  femmes et enfants voient les citernes du Conseil régional de Nouakchott ou de quelques autres bienfaiteurs comme les défunts Mor Ciss d'Aleg ou Ali Ndiaye que les Atarois connaissent très bien. Les attellages sur les ânes parcourant toutes les rues de Nouakchott en 2025 vendant une eau insalubre mais providentielle rapellent les caravanes chargées de chambres à air remplies d'une eau nauséabonde des puits qu'attendent pendant de longues heures les femmes du campement. Exactement,  les mêmes longues heures qu'attendent les femmes de Tarhil ou d'El Mina ou d'Ain Talh ou de Toujounine ou d'Arafat pour espérer enfin pouvoir remplir leurs bidons  jaunes. Juste quelques semaines après les cérémonies pompeuses et fumeuses du lancement des projets de la modernisation de Nouakchott ou du fameux,  fumeux et funeste Projet Taa'mir de Taa'zourt. Rien que des balles de joues bien gonflées. Et on nous parle de l'hydrogène vert. De l'Intelligence Artificielle. Du Changement climatique. Alors qu'on est encore à l'heure de la soif. De la rougeole. De la tuberculose. À l'heure des classes en banco ou en hangars. Les stations de pompage de Ben'agi,  d'Idini ou de Bénichab. Nous sommes encore au temps du théâtre de mauvais goût. Un ministre en vacances qui se fait photographier avec une vieille femme bien choisie ou entre des amis triés sur le volet. Au temps d'une poignée de députés qui attendent que le peuple meure de soif pour aller jouer du cinéma avec une ministre qui ne semble pas bien assimiler son dossier. Six ans déjà que son Excellence Monsieur le président de la république est là. Ventre affamé dit-on n'a point d'oreilles et si on y ajoute ventre assoiffé Monsieur le président ? Salut !

Sneiba El Kory