Passions d’un engagement (70): La nouvelle tribu politique(a)/Par Ahmed Salem Ould El Mokhtar (Cheddad)

5 August, 2025 - 21:35

Les initiés d’une initiative douteuse
J’avais conservé de bons rapports d’amitié avec d’anciens militants de l’UFD. Certains parmi eux, après une courte période d’ « auto-préparation », avaient rejoint le parti au pouvoir, le PRDS. Parmi eux plusieurs éléments de mon ancien « Cercle ». Comme ils étaient presque tous originaires de la même zone du pays, pour ne pas dire de la même région, leur amitié fut doublée d’une forte intimité interne. Ils étaient soudés par le même cachet culturel local.
Ces amis, à un moment donné avaient pris une initiative, une forme de «Cercle » qu’ils avaient baptisée: DFI. L’ordre des initiales pourrait m’échapper maintenant. De toute façon vous avez probablement D pour Démocratie ou Démocratique, I pour Initiative. Reste à définir la signification du F.
 

Le MND dans le point de mire des initiés
Ils avaient cherché à influencer le maximum de personnes pour les amener à adhérer à leur initiative. En fait leurs contacts furent limités aux sympathisants encore proches du MND organisé. Tous me fréquentaient au quotidien. Ils prenaient régulièrement le thé avec moi. Parfois le repas. L’un d’eux, leur plus gradé au plan académique et le plus attaché à moi, m’exprima à plusieurs reprises qu’il avait une « idée capitale » qu’il se proposait de discuter avec moi. Cette idée, il ne s’était jamais décidé à m’en faire état.
Une fois, je l’avais croisé dans une ruelle au quartier Sebkha. Il conduisait sa voiture. Probablement son premier véhicule depuis qu’il avait commencé à travailler.
 

Un jeu de frein risqué
Feignant de ne pas me voir, il fonça droit dans ma direction avant d’arrêter d’un frein brusque, le parechoc de sa bagnole à quelques pas de mes pieds. Par reflexe j’eus le temps de m’écarter de côté. Il sortit la tête de sa portière et se mit à rigoler à haute voix avant de me dire: « Il faut reconnaitre que tu eus bien peur ! » « C’est vrai, j’ai eu bien peur », répondis-je. Puis, faisant une légère allusion au revirement qu’il était en train d’opérer avec ses amis DFI, je complétais: « Tu sais bien qu’il n’est plus prudent de s’exposer devant ta voiture depuis que tu as perdu ton frein ! ». En vérité le frein n’est pas toujours matériel. Il est aussi parfois moral. L’expression un peu gênée de son visage me fit comprendre qu’il avait parfaitement saisi cette nuance bien qu’il n’appartienne pas à ma propre famille culturelle. C’était un garçon connu pour son intelligence, aussi pour ses grandes ambitions politiques et autres.
 

Un projet de sape inamical
Lors de l’une de mes visites à mon ami Khalihinna, ce dernier m’informa du projet en gestation chez les amis de DFI. Je compris immédiatement qu’il s’agissait d’un projet d’une gravité extrême. Les amis en question hésitaient à m’y associer de crainte que je refuse d’y adhérer. J’avais aussi compris que tout indiquait qu’ils manigançaient un travail de sape dans la base de ce qui restait encore du mouvement MND. On comprendra aisément la suite de ce que « les amis DFI» envisageront par la suite. Je piquai une crise de colère. Je décidai d’agir à temps. Pour moi, bien que je n’en fasse plus partie, le MND jusque-là ou plus exactement ce qui en restait, comme dernier rempart de l’unité nationale dans toute sa diversité, devrait être préservé à tout prix et le plus longtemps possible pour l’intérêt suprême de la nation Mauritanienne.
Feu Louleid Weddad un haut responsable du régime de Maouiya avait exprimé le même point de vue aux amis de DFI, me révélera l’un d’eux plus tard.
 

« Liste des esprits faibles »
Mon ami Khallihinna m’exprima le même point de vue. Il me disait que les amis DFI ne lui avaient pas tout expliqué. Pour le faire monter encore plus contre leur initiative, je lui avais concocté une explication fallacieuse. Je lui avais « révélé» que les initiateurs de DFI avaient dressé une liste de personnes à contacter, personnes jugées susceptibles d’adhérer à leur initiative. « Liste des esprits faibles », c’était le nom donné à leur liste expliquai-je au brave Khallihinna. Je lui avais affirmé que son nom figurait en troisième position dans cette liste. Ce qui le mit en colère. Il me répliqua que, habituellement, dans les conditions normales, il se considérait généralement comme complètement aplati, jusqu’au moment où quelqu’un vint lui proposer des projets de basculement à droite. Immédiatement, un réflexe le projeta dans des positions d’extrême gauche. Il décida de nouveau de m’accompagner. Il m’informa d’un rendez-vous qu’il avait avec les amis de DFI. On décida d’y aller ensemble.
 

De nouveau au tribunal de « Nuremberg »
C’était encore une fois chez le doyen Ould Moud, au quartier dit Carrefour, au même lieu que le rendez-vous pris avec Messaoud il y avait déjà plusieurs années. Arrivés sur le lieu, les amis étaient surpris de mon arrivée avec Khallihina. Mon ami, le cadre universitaire était absent. Une certaine inquiétude se lisait sur leurs visages. Sorti de sa torpeur, l’un d’eux s’adressa à moi en introduisant ses propos par: «Bienvenue à notre ami tel… ». La gorge étranglée de colère, je répliquai par une brève réponse: « Si amitié il y a encore ! ». Ma réponse redoubla leur inquiétude.

Un échange inamical
Ils se mirent à chercher un subterfuge pour reporter leur réunion. Je décidai de forcer sa tenue. Comme le maître des lieux, Mohamed Mahmoud Ould Moud, était encore absent, ils avaient prétexté l’absence de la clef pour ouvrir la maison. Je dénichai la clef chez le boutiquier du coin. En même temps, j’avais acheté le nécessaire de thé à la menthe et tagine (arachides plus du pain beurré) à la même boutique. Mon objectif était d’arrêter net l’action de sape entreprise par mes « amis DFI» au niveau de la base de mes amis du MND.
 

(À suivre)