Naissance d’un Mouvement citoyen : clarifications

2 July, 2025 - 16:06

Lors du vibrant hommage que le département de M’Bagne lui a rendu, en Février 2025 à Bagodine, l’ancien ministre, maire et sénateur, monsieur Bâ Bocar Soulé, a appelé à la fondation d’un vaste mouvement citoyen visant à contribuer au renforcement de l’unité nationale et de la cohésion sociale. Le nombre et la grande diversité des participants à l’hommage de Bagodine incitaient à l’optimisme de l’auguste parlementaire et des nombreux intervenants à la cérémonie. À Bagodine, c’est dans toute sa diversité que la Mauritanie s’était retrouvée, deux jours durant. Le même élan vient de se manifester le 17 Mai, à l’occasion du festival Subalbé (pêcheurs) de Kaédi. Les organisateurs ont plaidé pour l’unité des riverains en vue de consolider l’unité nationale.

Cette volonté de fonder un mouvement citoyen est en train de se matérialiser. Un groupe de personnalités de la Vallée comprenant Bocar Soulé Bâ, Abdoul Wahab Kane, N’Gaidé Alassane, Dia Oumar et Abdoulaye N’Diaye, maire de Kaédi, a pris la question en main. Selon nos informations, le projet a été présenté au Premier ministre d’abord puis au président de la République et ses initiateurs ont rapporté, dans une réunion, que les deux premiers responsables du pays soutiennent leur initiative. Lesdites personnalités ont ensuite entamé des démarches auprès des cadres de la Vallée (ministres, élus et hauts fonctionnaires et autres personnes-ressources…) pour expliquer l’objectif et la démarche. Au cours d’une autre réunion tenue récemment chez Bocar Soulé, ils ont soutenu qu’il ne s’agit pas, comme le prétendent ses détracteurs, d’un parti politique mais bien d’un Mouvement Citoyen (MC) rassemblant l’ensemble des ressortissants de la Vallée, majorité et opposition confondues, ouvert à tous les citoyens mauritaniens «sensibles aux préoccupations spécifiques » de cette partie du territoire national.

Ce MC s’inscrit, notons-le, dans le sillage d’une démarche entreprise lors de la présidentielle 2019 – certains diront même qu’elle avait même commencé dès 2012 – au cours de laquelle les cadres pulaar de la Vallée, du Guidimakha aux Hodhs en passant par l’Assaba, s’étaient réunis chez feu Kane Yahya, comme c’était la tradition, pour déclarer leur soutien au candidat Ghazouani. A l’époque, les observateurs avaient noté que leurs doléances, présentées dans le discours de leur porte-parole Bâ Bocar Soulé, ne différaient que très peu de celles que défendaient le candidat de la Coalition Vivre Ensemble (CVE), feu Docteur Kane Hamidou Baba et divers autres candidats de l’opposition. C’est dire qu’en dépit des divergences de chapelles, ils peuvent s’unir autour des préoccupations de leur terroir. 

 

Évacuer un douloureux dossier 

 

Mais, depuis le décès de cette grande notabilité, les cadres pulaar ne se réunissent plus pour débattre, comme d’autres, des spécificités de leur communauté. La fondation du MC serait une belle occasion de se retrouver tous – avec, pourquoi pas, les membres de l’opposition – autour des questions distinctives de leur terroir, en vue de les porter et défendre auprès de pouvoir. Certains n’ont d’ailleurs pas manqué de se féliciter de la prise en compte de certaines de leurs doléances dans la feuille de route du dialogue national en gestation. Ceux qui y prendront part assurent qu’ils ne rateront pas l’occasion de les exposer et de les éclaircir à l’entendement de leurs autres concitoyens.

Il y a près de quarante déjà, la Mauritanie fut secouée par des événements tragiques (89-90) qui ont fortement ébranlé l’unité nationale et la cohésion sociale et dont les conséquences (séquelles ?) continuent de courir. D’où les efforts du président de la République à trouver une solution consensuelle avec les organisations des victimes. Le dossier semble cependant s’enliser. C’est peut-être pourquoi la question du passif humanitaire figure sur la feuille de route dudit dialogue national. L’ensemble des acteurs politiques, de Société civile et autres personnes-ressources souhaitent visiblement évacuer ce douloureux dossier.

Parmi les problèmes spécifiques de la Vallée on peut noter la question foncière : souvent démunis de moyens, les propriétaires terriens locaux se plaignent de l’expropriation de leurs terresoccasionnant des incidents parfois tragiques. Les natifs de la Vallée se plaignent également de la marginalisation à tous les niveaux – administration, économie, banques… – de leurs cadres victimes de quotas séculaires injustes et en appellent à lapromotion de leur élite. Ces préoccupations sont la conséquence d’une gestion ségrégationniste qui a fortement marginalisé la Vallée. Les décideurs au sommet en sont conscients : un ex-PM a avoué, il y a quelques années, que cette situation était voulue. Et, jusqu’aujourd’hui, les investissements des grandes agences ont peu d’impacts sur la vie de nos concitoyens halpulaaren. Certains ne savent pas comment s’y prendre pour en bénéficier, d’autres estiment tout simplement qu’ils n’ont aucune chance d’y accéder. Un état d’esprit défaitiste que de nombreux cadres et élus condamnent : quand on n’est pas avec le pouvoir, on ne doit rien attendre de lui, comme si l’on n’était pas tous citoyens d’une même République.

Résultat des courses, la Vallée est accusée de se jeter dans les bras de l’opposition et les résultats de celle-ci lors des dernières élections locales ont en effet surpris plus d’un. L’explication est simple : le pouvoir ne fait pas grand-chose pour les riverains. Les porteurs du Mouvement Citoyen disent avoir noté, lors de leurs discussions préalables, une réelle volonté du président de la République et de son Premier ministre à changer cette donne et travailleront à corriger l’image que certains se font de la Vallée. Il reste donc encore du chemin à parcourir. Ce n’est qu’au terme de leur tour des élus, cadres et autres personnes-ressources, que la forme, la structuration et la direction du Mouvement seront définies. Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage…

 

KT