Investissements souterrains

29 May, 2025 - 09:09

La semaine dernière, le président de la République et son homologue sénégalais se sont rendus sur la plateforme établie par BP en haute mer pour l’exploitation du champ gazier Grand Tortue/Ahmeyim commun aux deux pays. Accueillis en grande pompe par le PDG de la société anglaise, les deux présidents ont fait le tour du propriétaire et se sont déclarés ravis, photos et vidéos à l’appui, que le projet ait enfin abouti, malgré les différents écueils qui ont jalonné son parcours et dont le moindre n’est pas le litige relatif aux coûts d’investissement. Les deux pays accusent en effet le géant pétrolier d’avoir exagéré le cost oil – autrement dit, le montant investi dans l’exploration et la production qui doit être déduit des recettes du champ – dans des proportions pas vraiment anodines : des trois milliards de dollars initialement prévus, on serait passé à plus de dix !
Pour trancher ce débat qui a empoisonné un moment les relations entre les partenaires, un bureau d’études international a été choisi d’un commun accord en vue d’évaluer les coûts réels. Il n’est pas loin de rendre son rapport et, selon certaines indiscrétions, ses conclusions seraient «explosives ». Si c’est le cas, comment BP sortira-t-elle de cette bourrasque ? Fera-t-elle comme ELF en France en 2000 ? À la suite de démêlés politico-judiciaires, cette société pétrolière fortement présente en Afrique où elle avait fait, de la corruption des dirigeants locaux, son sport favori, s’était fait (laissé ?) absorber par Total. Et ni vu ni connu ! Le même scénario se produira-t-il sous nos yeux entre BP et Shell ?
Selon le très sérieux institut Bloomberg, Shell travaille avec des conseillers pour évaluer une éventuelle acquisition de son concurrent BP. Cependant, le groupe attendrait une nouvelle baisse de l’action de celui-ci et des prix des hydrocarbures avant de lancer une offre.  Si elle est réalisée, cette fusion pourrait-elle clore le dossier Grand Tortue/Ahmeyim ? Nos présidents ont-ils envisagé cette hypothèse ? Et prévu, avec leurs propres conseillers, une stratégie en conséquence ? Autant de questions susceptibles en tout cas de nous rappeler que le pétrole et le gaz nécessitent toujours des investissements… souterrains.

                                                          Ahmed ould Cheikh