
A Rosso, est-il possible de voir le fleuve Sénégal ? Après nous avoir infligé plusieurs allers et retours dans l’artère principale de la ville, le guide nous affirme que le fleuve est finalement trop éloigné de la ville et qu’il est impossible de s’y rendre. Puis, devant notre insistance, il change de discours et nous assure qu’il est simplement « interdit » d’apercevoir le fleuve Sénégal. Des propos dignes de ceux que les accompagnateurs officiels débitaient en Europe de l’Est avant la chute du mur de Berlin. Précédemment, le même guide avait été incapable de nous montrer à Chami, en bordure de la route goudronnée, les machines qui concassent chaque jour des milliers de tonnes de roche pour en extraire le métal précieux, ni, bien évidemment, le site de production aurifère, à 70 kilomètres de là. J’avais pourtant expliqué à ce guide mauritanien que je m’étais intéressé autrefois aux conditions de travail des orpailleurs en Amérique du Sud, notamment en Guyane française. Même déconvenue à Chinguetti : ne sachant comment nous occuper, ce guide nous a proposé en milieu d’après-midi de nous laisser une heure et demie pour visiter… le marché, bien sûr désert à cette heure-là.
Notre principale erreur reste d’avoir payé à l’avance, depuis Paris, une agence de voyage locale chaudement recommandée par un Français installé à Nouakchott. Pour deux personnes, 4 000 euros (soit 175 000 MRU) les dix jours sur place, sans compter les vols. Mais les prestations et tout particulièrement celle du guide étaient bien loin du niveau attendu dans cette gamme de prix.
Dès lors, malgré les frais avancés, nous avons finalement préféré poursuivre notre voyage sans l’agence. C’est fort dommage. Unique pays du Sahel à échapper à la violence et au terrorisme, la Mauritanie mérite d’être mise en valeur par des guides compétents. Par chance, nous avons fait des rencontres aussi attachantes qu’enrichissants. C’est une employée d’un hôtel à Rosso, sidérée par les refus de notre guide, qui nous a proposé de nous conduire au fleuve. Un autre accompagnateur mauritanien nous a ouvert en peu de temps de nombreuses portes. Grâce à lui, nous avons même découvert les vestiges du célébrissime naufrage de la frégate La Méduse en visitant le musée national de Nouakchott. L’agence initialement choisie s’était quant à elle avérée incapable de mentionner ce naufrage lors de notre passage sur la côte, à proximité du parc national du Banc d’Arguin….
Auteur de divers reportages au Sahara occidental et au Sénégal, c’est très logiquement que je me suis intéressé à la Mauritanie. Auparavant journaliste en Amérique du Sud, dans l’Océan Indien, puis en poste à Genève, en Suisse, j’ai notamment travaillé pendant 25 ans pour le magazine français Le Point. Aujourd’hui à la retraite, je réalise toujours des enquêtes et des reportages.
Ian Hamel