La vie après la mort

22 April, 2025 - 17:55

La généreuse décision de mon cher ami et patron de notre journal « Le Calame » d’intervenir publiquement à l’appui de ma demande de naturalisation m’oblige non seulement à le remercier tout aussi publiquement mais, aussi, à souligner en quoi ma démarche exhaussée par la sienne couronne un processus qui va bien au-delà de nos petites individualités. Mon quart de siècle fixé au « pays des hommes bleus » m’a révélé de profonds enseignements. Notamment celui-ci : il existe, entre mes plus profondes racines françaises, très probablement druidiques, et mes efflorescences musulmanes, aussi peu arabisées soient-elles, une réalité subtile : celle d’un arbre de vie transcendant les espaces et les temps.

Certes c’est au contact, quotidien, avec de bonnes personnes imprégnées des plus belles valeurs humaines que s’est soudainement réveillée, au travers de songes pénétrants, ma soumission au Seigneur des mondes. Mais c’est bel et bien grâce à la vitalité de la langue française que j’ai pu explorer les textes arabes qui expliquent et éclairent ce retour à moi-même. Tant de traductions du Saint Coran, tant d’application à présenter, dans la langue de Molière, la vie et l’exemple de Mohamed (PBL) ! Bénie soit la Francophonie ! Elle n’appartient donc pas à l’État français – certainement devenu, pluralité d’opinions oblige, laïc par nécessité – qui l’a prodigieusement développée durant des siècles, avant de lui infliger, hélas, de rudes coups au cours des deux dernières décennies, notamment au Sahel.

Longtemps outil culturel de colonisation, la Francophonie saura-t-elle émerger à sa profonde nature spirituelle ? Le désintérêt désormais affiché de beaucoup de populations africaines, de plus en plus soutenu par leur organisation politique respective – très visiblement au Mali, au Burkina Faso et au Niger ; plus discrètement en Mauritanie, voire au Sénégal… – ne plaide pas en ce sens. Serait-ce que le français ait perdu la qualité de « langue de l’esprit » que lui reconnaissaient encore tant de gens de qualité au 19ème siècle ? Non pas, bien évidemment, qu’elle ait jamais pu se targuer d’être l’unique dépositaire de celui-ci – toutes les langues du Monde, des plus « évoluées » aux plus « primitives » le sont également – mais elle a sûrement mieux à faire qu’à courir au podium de la marchandisation des relations humaines…

« Nous allons vers l’Esprit, c’est certain, c’est oracle », annonçait à la fin du 19ème siècle Arthur Rimbaud qui ne fut certainement pas le plus religieux des poètes français.  Est-ce à dire qu’il y a une vie après la mort ? Le déclin de l’usage du français dans les relations sociales, politiques et commerciales, notamment en Afrique qui lui fournissait le plus important contingent de ses locuteurs, est-il l’occasion de cultiver son immense répertoire de nuances et de saveurs susceptible de réveiller, partout, ce qui nous fait frères et sœurs au sein d’une même Humanité enfin consciente de la richesse des différences ? Merci, Ahmed ould Cheikh, de m’aider à œuvrer en ce sens dans ton pays de naissance, le mien d’adoption, incha Allah et si le président de sa République y consent !

Ian Mansour de Grange