
Il est aussi stupéfiant qu’alarmant de constater le glissement idéologique qui s’opère outre-Atlantique où le néochristianisme politique, fusionné à un sionisme expansionniste, semble s’ériger en nouvelle matrice impérialiste. Que penser, en effet, d’un président brandissant la croix comme un étendard guerrier, d’un ministre de la Défense affichant fièrement sur sa peau l’inscription arabe « Kafer », surmontée de la devise médiévale « Deus Vult », cri de ralliement des Croisés lors de la prise de Jérusalem ou encore d’un chef de la diplomatie traçant ostensiblement une croix sur son front au cours d’un entretien télévisé ?
Et pourtant, de la part des chantres autoproclamés du rationalisme et de la neutralité étatique, pas un mot, pas même un murmure… Ni les laïcs, pourtant si prompts à dénoncer tout amalgame entre politique et foi lorsqu’il s’agit d’autres traditions, ni les libéraux, toujours en quête d’une morale à géométrie variable, ni leurs relais médiatiques et intellectuels, n’osent qualifier ce phénomène d’extrémisme ou de menace pour l’équilibre géopolitique mondial.
Dès lors, faut-il en conclure que le fanatisme ne revêt ce nom qu’à condition d’être endossé par l’Autre ? Que l’idéologie messianique, lorsqu’elle s’adosse aux puissances dominantes, devient légitime et même souhaitable ? L’Histoire, pourtant, enseigne que les croisades modernes, qu’elles se drapent de vertus démocratiques ou de prétextes civilisationnels, n’en demeurent pas moins des entreprises de domination où la ferveur religieuse sert d’alibi à l’expansionnisme le plus brutal.
Ainsi, face à une administration Trump résolument engagée dans une politique néo-impérialiste où le christianisme politique se mêle à un sionisme triomphant, les nations africaines et arabes doivent adopter une stratégie lucide et proactive pour défendre leurs intérêts et préserver leur souveraineté. En premier lieu, elles doivent consolider leurs alliances régionales. Les États africains et arabes ne peuvent plus se permettre de compter sur des partenaires volatils. Il devient impératif de renforcer leurs propres blocs régionaux, à l’image de l’Union africaine (UA) et de la Ligue arabe. Une coordination plus étroite dans les domaines économique, militaire et diplomatique leur permettrait de parler d’une seule voix face aux grandes puissances et de peser davantage sur l’échiquier mondial.
Diversifier les partenariats
Par ailleurs, il est essentiel de diversifier les partenariats internationaux. S’appuyer exclusivement sur les États-Unis ou l’Occident constitue une erreur stratégique. Il est donc nécessaire de développer des relations solides avec d’autres pôles de puissance tels que la Chine, la Russie, l’Inde, et même l’Amérique latine. Cette diversification garantirait une meilleure marge de manœuvre et un rééquilibrage de l’influence américaine dans les affaires mondiales.
De plus, l’autosuffisance économique et technologique doit devenir une priorité. L’Afrique et le monde arabe doivent réduire leur dépendance aux puissances extérieures en développant des industries locales, en modernisant leur agriculture et en investissant massivement dans l’éducation et la recherche. Se libérer du joug économique occidental est un préalable indispensable à toute indépendance politique. Dans cette perspective, il convient également de revaloriser le soft power et l’influence culturelle.
La guerre idéologique menée par le néochristianisme politique s’accompagne d’une offensive culturelle visant à imposer une vision du monde particulière. Il est donc crucial de promouvoir une narration alternative à travers des médias influents, des think tanks et des institutions académiques capables de produire un discours cohérent et attractif sur la scène internationale.
D’autre part, la souveraineté sécuritaire ne doit pas être négligée. Les armées africaines et arabes doivent se professionnaliser et se doter de capacités de défense autonomes. Une indépendance militaire réelle, combinée à une politique de non-alignement stratégique, garantirait une meilleure résistance aux ingérences extérieures et une plus grande capacité de dissuasion.
Enfin, il est impératif de défendre un multilatéralisme équitable. Dans les institutions internationales telles que l’ONU, le FMI ou l’OMC, les pays africains et arabes doivent systématiquement contester les décisions biaisées et exiger des réformes structurelles qui reflètent leur poids démographique et économique grandissant.
En somme, l’Histoire montre que les nations qui survivent aux turbulences géopolitiques sont celles qui refusent de se soumettre à une logique de vassalisation. Si l’Afrique et le monde arabe veulent peser face à cette nouvelle administration Trump, il leur faudra conjuguer réalisme stratégique, indépendance économique et affirmation culturelle.
Eleya Mohamed