Nouveau dialogue : Un avis informel

9 April, 2025 - 01:29

C’est, je crois, la quatrième fois que l’on organise un dialogue depuis la chute du président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi. A chaque fois les résultats de ces dialogues furent en deçà des attentes. Ils n’ont abouti ni à une constitution consensuelle, ni ouvert la voie à des changements de régime ou des alternances, ni généré un climat apaisé entre les parties prenantes de ces dialogues.

Les occasions pourtant étaient là, belles à saisir, pour doter enfin le pays d’une constitution équilibrée, où le pouvoir réglementaire est aux mains d’un gouvernement appuyé par une majorité parlementaire, où les régions sont dotées de larges responsabilités dans le cadre d’une décentralisation négociée et acceptée par tous et basée sur le principe de l’autonomie et le principe de libre administration.  Il faut espérer que ce énième dialogue réponde enfin aux attentes de tous.

Le Monsieur dialogue ayant été choisi et, je présume, les contacts et rencontres entamés, sept responsables politiques seront particulièrement vigilants par rapport à ce qui va se passer, attentifs aux orientations que prendra le dialogue et scruteront avec beaucoup de soin ses conclusions.

Les trois premiers responsables politiques qui voudront jouer un dernier rôle, pour couronner des carrières politiques déclinantes et en dents de scie, sont Ahmed DADDAH, Messaoud BOULKHEIR et Mohamed MAOULOUD. Ils doivent avoir révisé à la baisse leurs prétentions car on n’escalade pas les sommets à la fin d’une vie. Ces trois présidents de parti ont toujours choisi d’aller aux élections au lieu de préparer le terrain politique aux générations qui les suivront. J’ai en tête les boycotts successifs et le choix d’aller aux élections que d’autres ont déjà gagnées à l’avance. A mon avis, le seul vrai coup d’éclat qu’ils peuvent encore faire, mais qui aura une vraie résonnance dans la sphère politique, c’est de jouer la carte de l’union de l’opposition autour du futur candidat présidentiel le mieux placé. Ce candidat n’est autre que le député Birame Dah ABEID. Le scepticisme quant à la réalisation de cette option, pourtant de bon sens, est de mise.

 

  Une union nécessaire

Le quatrième homme politique qui surveillera ce dialogue malgré son refus d’y participer, n’est autre que le député Birame Dah ABEID. Birame estime que les conditions d’organisation d’un dialogue ne sont pas encore réunies. Malgré tout il suivra le déroulement de ce dialogue attentivement et critiquera ses conclusions dans le sens de ses intérêts. C’est de bonne guerre. Birame est le seul futur candidat qui peut tenir tête au pouvoir actuel. Ses résultats précédents, toujours en progression, le prouvent : presque 20% en 2019, plus de 22% en 2024. Son électorat commence à toucher toutes les couches et catégories du peuple. Au cours de l’une de ses sorties, il a annoncé que des tentatives sont en cours pour rassembler l’opposition. Si ces tentatives sont couronnées de succès, les prochaines échéances pourraient être animées et verraient, pour la première fois, le pouvoir secoué.

Birame et ses amis de l’opposition devront être attentifs aux modifications qui pourraient être apportées au code électoral. Une revendication particulière doit être soutenue par tous, y compris la majorité, pour que cessent les accusations de fraude : la composition bipartite du bureau de vote. Composé habituellement de trois membres, il est normal que le président reste désigné par la CENI mais que chaque pôle (majorité et opposition) en choisisse chacun un membre. Si cette revendication est retenue, elle enlèvera aux futurs candidats l’argument que la composition des bureaux de vote est toujours faite parmi les partisans du pouvoir et assurera à l’opposition une couverture de tous les bureaux de vote qu’elle n’a jamais pu réaliser. Il faut rappeler que la crédibilité des scrutins repose sur la manière dont les résultats des urnes sont obtenus. Et pour cela faut-il peut-être introduire la mention de « bulletin contesté » afin que les représentants des candidats puissent porter la validation des résultats à l’échelon supérieur jusqu’à la CENI où la représentation des candidats est la plus importante, qualitativement parlant

Les cinquième et sixième hommes politiques qui suivront le déroulement de ce dialogue sont : l’ancien Premier Ministre Moulaye MOHAMED LAGHDHAF et l’actuel Premier Ministre Moctar DJAY. Le premier a toujours eu des velléités de se présenter à l’élection présidentielle. Il en fut dissuadé par l’ancien président Mohamed ABDEL AZIZ dont il fut longtemps le Premier Ministre. Ouvert, expérimenté et pouvant se prévaloir de résultats concrets lors de sa période à la tête du Gouvernement sous la présidence AZIZ, il peut réunir sur une future candidature un nombre non négligeable d’électeurs et forcer le candidat du pouvoir à aller au 2ème tour. C’est ce scénario que voudra éviter, le moment venu, le président Mohamed GHAZOUANI en le dissuadant de ne pas se présenter comme l’a fait AZIZ. Moulaye reste en tout cas un potentiel candidat à la présidence mais sa plus belle occasion était la présidentielle de 2019 qu’il a ratée. Dix ans après il n’a peut-être plus l’envie d’y aller.

 

 

L’homme idéal pour Ghazouani

 

Le second, de par sa fonction de Premier Ministre, s’intéressera au dialogue et voudra peser sur ses résultats. Plutôt relativement jeune par rapport aux autres, ambitieux et très investi en politique, Moctar DJAY a aujourd’hui beaucoup de cartes en main. Sa proximité avec Ghazouani lui impose d’accepter les choix de ce dernier, le cas échéant. S’affranchir est le véritable problème qui se pose à Moctar DJAY.

Le septième de la liste n’est autre que Hananna Ould HANANNA. Général à la retraite, longtemps second de GHAZOUANI à l’Etat-major Général des Forces armées, bonne expérience dans l’art opératif (discipline militaire complexe, relative à la théorie, la mise en place et la conduite d’opérations), connaissance approfondies des questions sécuritaires régionales, cultivé, discret jusqu’à friser l’effacement, Ould HANANNA ne pourrait que s’intéresser au dialogue envisagé. Mais à sa manière : de loin, sans le faire sentir, en donnant son avis si on le lui demandait. Hananna est très probablement le futur candidat du pouvoir. Il suit actuellement la même trajectoire que GHAZOUANI. Il est avec le Président toujours fidèle, travaillant sans vagues, avec efficacité et surtout en bridant toute ambition. En fait l’homme idéal pour Mohamed GHAZOUANI. Et leur compagnonnage durant toutes ces années le prouve.

Oui ! Il y a bien d’autres honorables hommes politiques qui ont déjà fait leurs preuves en se présentant comme candidats et dont certains siègent encore à l’Assemblée Nationale et qui vont estimer que je les prends pour quantité négligeable en ne parlant pas d’eux dans mon article. Loin de moi cette idée. Mais j’estime que, pour l’instant, face à Birame et Hananna, toutes les autres candidatures sont des candidatures de témoignage.

 

Ahmed Jiddou ALY