Pour ceux et de celles qui ont servi l'État : Un honneur minimum garanti

6 March, 2025 - 15:21

Parlant de la légion d'honneur, l'illustre académicien français François Mauriac disait  que " ça ne se demande pas, ça ne se refuse pas, ça ne se porte pas ". C'est de là, peut-être, que provient l'expression d'usage selon laquelle les honneurs ne se refusent pas.
 Bien entendu, il n'était nullement question pour moi de refuser la cérémonie que son excellence monsieur le ministre des Affaires étrangères vient d'organiser à mon honneur mais je ne l'ai pas demandée.
 En outre, je veux qu'on me croie quand je dis et crie sur tous les toits, que dans ma relation de travail avec l'Etat, je n'ai jamais demandé un quelconque honneur ni, non plus  les nominations au gouvernement et aux hautes fonctions de l'Etat.
Ceci est particulièrement valable depuis la cessation de ma fonction gouvernementale suite au coup d'Etat du 3 août 2005.
On m'a, d'ailleurs, assez reproché,  amicalement et familialement, le fait d'avoir accepté le retour à l'appareil de l'État par la fenêtre du fonctionnaire  après avoir  y  effectué une entrée par la porte ministérielle.

 

 

Une série de combats

Suivant le conseil " vivre caché pour être heureux ", je devais me contenter de mon job initial tout en  cherchant  à faire fortune dans l'informel. Mais c'était oublier que mon engagement politique précoce m'a  conduit à  percevoir les missions qui m'ont été confiées par l'Etat comme une série de combats et qu'une certaine morale me pousse à ne pas décliner les propositions qui me paraissent d'un intérêt national.
C'est pourquoi, j'ai toujours ressenti ces nominations censées m'honorer comme étant, à la fois, une lourde charge et, souvent, une source d'embarras.
C'est, également, pourquoi j'ai, à chaque fois, essayé de faire de mon mieux pour m'en sortir avec le minimum de dégâts.
Je reviendrai, insha Allah, dans d'autres occasions sur ma relation, quelque part, atypique avec l'Etat mais, à présent, permettez-moi de revenir sur cette cérémonie organisée à mon honneur et à celui de mes deux collègues : Maitre Bal Mohamed El Habib, ex-secrétaire général du Ministère, ex-ambassadeur et  l'ambassadeur chargé de mission Hasni ould Lefqih, lui aussi ex-secrétaire général du ministère, tous deux professeurs universitaires (qualité que j'ai eu à partager avec eux pour avoir enseigné à l'université de Nouakchott et à l'ENAJM sans être titularisé, une autre histoire ou un autre combat! ).
Au fait, alors que nous étions (mon frère et confrère Maitre Bal) en pleine cérémonie organisée à l'ambassade de France pour attribuer la légion d'honneur à notre ex-patron son excellence Ismail ould Cheikh Ahmed pour  services rendus à la coopération franco-mauritanienne, le directeur du Protocole m'appela pour me confirmer la décision du son excellence Mohamed Salem Ould Merzoug d'organiser le jeudi 27 février 2025, à l'académie diplomatique de Mauritanie, une cérémonie à notre honneur.
Du coup,  je me suis senti honoré par cette cérémonie car depuis que j'ai annoncé ma retraite effectuée dans les règles de l'art, et dans le respect du droit social, en ma qualité de cadre du Port autonome de Nouakchott dit Port de l'amitié, lequel m'avait mis à la disposition de l'Etat,  je m'attendais à que ce dernier mette fin solennellement ou en tout cas publiquement à ma mission.
Ceci était  pour moi  un minimum exigible, non seulement,  pour la  conformité avec les textes en vigueur, mais sinon plus pour mon honneur et pour ma dignité.

 

 

Atmosphère de chasse aux sorcières

Cette attente était d'autant plus légitime qu'il serait injuste de quitter  en catimini, dans une atmosphère de chasse aux sorcières, sans précédent dans l'histoire de l'Etat, contre les retraités.
En effet, cette campagne vulgaire, relayée par les réseaux sociaux,  contre les retraités qui  devraient, comme les vieux de Jacques Brel s'excuser d'être encore là, reflète un état d'esprit décadent alimenté par des médiocres appartenant à une confrérie des gens pressées  dont l'amateurisme nuit à l'image de l'Etat.
On ne le dira jamais assez, la retraite ne saurait être une sanction ni  une condamnation à mort bien au contraire, il s'agit d'un droit légitime dont le titulaire devrait partir muni d' avantages lui permettant de vivre dignement et avec les honneurs de la République.
Malheureusement, depuis la création de l'Etat national, des milliers de fonctionnaires sont partis, au bout de trois longues décennies de services rendus à la nation, à la retraite et ont été jetés dans les tunnels de  l'oubli et de  la précarité.
 Aux termes d'une lettre - guillotine qui les informe, horriblement, de la radiation définitive de leur noms  de la fonction publique, des milliers des commis de l'Etat, soldats anonymes, n'ont, même pas eu le privilège d'être honorés  par un simple merci.
En la matière, le droit de la fonction publique a toujours été appliqué de manière rigoureuse et sans pitié. Il en découle que les nominations des retraités se sont limitées à des hauts postes dont le pourvoi relève du pouvoir discrétionnaire des hautes autorités de la République.
En tout état de cause, il s'agit là d'un sujet  qui pourrait être débattu publiquement   en toute transparence et qui mérite d'être traité par des professionnels,  dans l'intérêt de l'Etat, loin de la surenchère ainsi que de la confusion entretenues par les porteurs du potin.
En attendant, tout en remerciant son excellence monsieur le Ministre et à travers lui les plus  hautes autorités de l'Etat, notamment le président de la République  et  tout en confirmant l'honneur que j'ai ressenti suite à cette cérémonie qui consacre, solennellement, la fin de ma mission en tant que premier directeur de l'Académie diplomatique de Mauritanie (un autre combat sur lequel je reviendrai insha Allah), je revendique l'honneur de dédier les présentes lignes aux milliers de mes concitoyens fonctionnaires civils et militaires qui sont partis, dans l'anonymat total, sans être honorés pour les services rendus à la République dont  la devise commence  par l'honneur...
 

Abdel Kader ould Mohamed